Notre enfant est à l’origine de nos problèmes de couple, que faire ?

Notre enfant est à l’origine de nos problèmes de couple, que faire ?
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L’adolescence peut mettre les parents à rude épreuve, surtout quand eux-mêmes traversent une zone de turbulences. Conseils de survie avec le psychiatre Serge Hefez*.

« Il suffit qu’Inès, 15 ans, déambule dans la maison avec sa tête d’enterrement pour que son père suréagisse. C’est vrai, elle est insupportable, reconnaît Magali. Mais moi, ce que je supporte encore moins, c’est que mon mari… ne supporte plus notre fille ! » Tous les couples qui ont expérimenté l’adolescence de leurs enfants vous le diront : on ne s’est jamais autant engueulés !

Notre fragilité les déstabilise

La vie de famille repose sur un équilibre précaire qui demande à être rajusté. Le moindre coup de vent peut se transformer en bourrasque, car au moment où leur enfant devient adolescent, le couple a déjà un certain nombre d’heures de vol, des problèmes de travail ou de santé, la fatigue, la remise en question personnelle, etc. Et l’on n’est pas préparé à ce que la transformation de nos chers petits déchaîne un chaos conjugal. « Or c’est l’un des principaux sujets de dispute dans les couples », confirme Serge Hefez. Pris entre le désir de nous échapper et leur envie de conserver notre protection, nos ados ont besoin que nous leur opposions une force tranquille au moment où nous vacillons. Nos fragilités déclenchent alors leur agressivité.
Comment s’en sortir ? En ne les prenant pas à partie en cas de conflit conjugal et en ne leur demandant pas de se mettre à notre place ou de nous comprendre. Ce sont nos enfants, pas nos confidents ni nos amis.

Jaloux, nous ?

Bien sûr que nous comprenons leur désir d’autonomie. Et pour cause : nous sommes déjà passés par là. Sauf que, cette fois, nous sommes de l’autre côté. Leur prise d’émancipation psychique nous renvoie à notre position d’adulte responsable et moins libre de ses choix. On ne comprend pas pourquoi eux n’en profitent pas mieux au lieu de traîner leur ennui en bandoulière. Inconsciemment, on est un peu jaloux… « Chaque parent revit son propre processus d’adolescence et d’autonomisation », explique Serge Hefez. Dans le couple, l’autre peut incarner la pérennité, la monotonie, bref, l’inverse de ce que nous envions à nos ados, boostés par leurs hormones et l’éveil de leur sexualité, à un moment où la nôtre n’est pas toujours au top.
Comment s’en sortir ? Par une prise de conscience pour ne pas rendre notre partenaire responsable de notre frustration… qu’il éprouve certainement lui aussi. Pourquoi ne pas en rire ensemble ?

Unis et solidaires

L’un des ingrédients les plus importants pour un couple qui dure, c’est la solidarité. Surtout dans l’adversité. Or, pour Serge Hefez, « les mères peuvent soudain faire appel à une autorité paternelle traditionnelle qui n’est plus de mise aujourd’hui. Les pères ne veulent plus du tout jouer ce rôle ». Pour Magali, c’est plutôt l’inverse : l’autorité soudaine de son mari avec Inès lui paraît démesurée. Dans tous les cas, c’est ainsi que l’on peut sauter à pieds joints dans le cercle vicieux du conflit conjugal. L’un va reprocher à l’autre de se défiler, de ne pas tenir sa place, de jouer la complicité avec l’ado rebelle, l’autre va se défausser, se défendre, et c’est l’escalade. Un pataquès dont profite l’ado, soulagé que le cour- roux se détourne de sa personne.
Comment s’en sortir ? Un parent blessé par ce qu’il perçoit devrait pouvoir en parler calmement avec son partenaire, sans l’accabler de reproches, pour mieux se faire comprendre. Commençons par nous mettre d’accord sur le rôle que chacun entend jouer et tenir pendant cette traversée difficile. Et n’y dérogeons pas afin d’opposer à l’ado un front commun.

Réinventer le couple conjugal

La réalité, c’est que toute cette agitation signe la fin imminente de notre job de parents admirés. Le moment est venu de commencer à anticiper (un peu) ce que sera la vie quand nos ados seront partis – même si ce n’est pas pour demain. « Le couple doit revisiter son contrat conjugal », estime Serge Hefez. Commencer à imaginer comment se défaire du couple parental pour réinventer un couple conjugal et, ça non plus, ce n’est pas de la tarte ! Surtout quand, inconsciemment, l’un des parents a un peu « fait couple » avec l’enfant qui est en train de prendre son envol. Cela n’a rien à voir avec l’inceste, c’est juste que des liens très forts se sont tissés entre un enfant et l’un de ses parents et qu’il faut désormais désinvestir ce lien-là pour réinvestir le couple.
Comment s’en sortir ? On fait des projets pour quand ils ne seront plus là, en essayant de profiter des bons moments avec eux, car tout n’est pas si noir. Des bons moments, il y en a encore et il ne faudrait pas les gâcher.

Et quand on est beau-parent ?

Dans les familles recomposées, le casse- tête peut être aggravé lorsque le beau-parent sort de la position que son conjoint lui demande de tenir. Plus que jamais, il leur faut rester sur la même longueur d’onde. Et cela arrive rarement sans une mise à plat en tête à tête : qu’est-ce que chacun attend de l’autre ? Il faudra ensuite passer ensemble un autre contrat clair avec l’ado sur ce qu’il peut faire et sur ce que l’on attend de lui. Une sorte de contrat de vie dont les clauses sont renégociables, toujours ensemble, et pas chacun de son côté.